Attention aux sucres dans l’herbe en fin d’hiver – début de printemps!

En cette fin d’hiver qui a déjà un air de printemps, ATTENTION ! L’herbe est particulièrement dangereuse pour les chevaux/poneys/ânes qui sont à risque de faire une fourbure endocrinienne/fourbure associée au pâturage/herbe. Ce sont ceux qui sont en surpoids à cette sortie de l’hiver (obésité générale et/ou locale- dépôts adipeux – chignon à l’encolure) et/ou ceux qui ont eu, ou qui sont suspectés avoir, ou qui ont un dérèglement de l’insuline (ID- Insulin Dysregulation en anglais) c’est à dire une résistance à l’insuline et/ou une hyperinsulinémie, avec ou non un historique/ antécédent de fourbure endocrinienne. Le dérèglement de l’insuline(ID) peut être dû à un SME (1), ou à un DPIP+ID (2) ou à l’administration de corticoïdes en médication.

Pour rappel : (1) Le Syndrome Métabolique Équin (SME) est un « état réversible » et non une maladie, susceptible de concerner les chevaux à partir de l’âge de 5 ans. Le SME est une collection de facteurs de risque prédisposant le cheval à faire une fourbure endocrinienne/associée au pâturage. La caractéristique centrale et constante du SME est le dérèglement de l’insuline (ID) – Un cheval sera diagnostiqué SME s’il a un dérèglement de l’insuline (ID), en d’autres termes, SME = ID. Voir, Le Syndrome Métabolique Equin (SME). (2) le DPIP ou DPIH pour Dysfonctionnement de la Pars Intermedia de la glande Pituitaire (ou Hypophyse), anciennement appelé maladie de Cushing, est susceptible de concerner les chevaux à partir de l’âge de 10 ans; ce ne sont pas tous les chevaux avec un DPIP qui ont un dérèglement de l’insuline (ID) et qui sont donc à risque de faire une fourbure endocrinienne/associée au pâturage d’où la dénomination DPIP+ID (ou équivalent DPIP+SME) pour différencier les chevaux DPIP avec un dérèglement de l’insuline (ID) de ceux qui ont un DPIP seul.

L’herbe contient des sucres simples (ESC-pour Ethanol Soluble Carbohydrates en anglais – glucose, fructose, saccharose) qu’elle produit par photosynthèse avec l’énergie solaire lors des journées ensoleillées. Elle utilise ces sucres ESC pour sa croissance, la nuit (respiration), lorsque les températures nocturnes sont douces, supérieures à 5°C. Quand les nuits sont froides avec des températures inférieures à 5°C, nuits froides que nous avons encore nombreuses avec des gelées matinales en ce tout début de printemps, l’herbe ne pousse pas et les sucres (ESC) ne sont pas utilisés ; durant la journée ensoleillée qui suit, l’herbe va produire de nouveau des sucres simples (ESC) et ainsi les sucres (ESC) vont s’accumuler dans l’herbe d’une journée ensoleillée à l’autre entrecoupées de nuits froides, sous leur forme simple – ESC/ glucose, saccharose, fructose – ainsi que sous leur forme de réserve c’est à dire les fructanes chez les graminées de saison froide (C3) qui composent majoritairement nos prairies et l’amidon chez les légumineuses ainsi que les graminées de saison chaude (C4). A noter qu’en permanence, les plantes/graminées C3 transforment le saccharose en fructanes pour le stockage et les fructanes en saccharose quand elles ont besoin d’énergie (croissance) quand la production des sucres ESC par photosynthèse n’est pas suffisante donc des taux élevés de fructanes dans l’herbe vont de pair avec des taux de sucres simples (ESC) élevés. A cette richesse de l’herbe en sucres simples (ESC) qui donc s’accumulent lors des journées ensoleillées et des nuits froides s’ajoute en ce début de printemps, un début de croissance de l’herbe à la faveur de quelques nuits douces (t°C >5 ) et de bonnes pluies.

Rappelez-vous, la quantité de sucres ESC et amidon ingérée par un cheval à l’herbe est égale = au taux de sucres ESC et amidon dans l’herbe x par la quantité d’herbe ingérée. Donc avec des taux de sucres simples (ESC) élevés et une herbe qui commence à se densifier, l’accès à l’herbe pour les chevaux à risque de faire une fourbure endocrinienne est particulièrement dangereuse à cette période de fin d’hiver – début de printemps (voir infographies).

C’est donc MAINTENANT POUR PRÉVENIR LA FOURBURE ENDOCRINIENNE/associée au pâturage que l’accès à l’herbe doit être restreint voire complètement supprimé, pour nos chevaux/poneys/ânes à haut risque de faire une fourbure endocrinienne !

Il est vraisemblable que les fourbures associées au pâturage/à l’herbe vues en mai/juin peuvent être le résultat des sucres ESC/amidon dans l’herbe ingérée en mars/avril. Rappelez-vous que la fourbure endocrinienne est insidieuse et qu’elle se met en place lentement, les hauts niveaux d’insuline sanguins chez les chevaux ID agissent au niveau des pieds et affaiblissent les structures lamellaires (les lamelles jouent un rôle de velcro entre la paroi du sabot et l’os du pied P3). La fourbure endocrinienne est souvent présente au niveau des lamelles (stade subclinique) depuis un certain temps – des semaines voire des mois – avant que nous en voyons les signes cliniques (douleur dans les pieds et/ou déformations visibles sur le sabot lorsque le diagnostic de la fourbure est fait seulement à un stade déjà chronique – rotation de la boîte cornée avec éventuellement une rotation et descente de P3 – ce qui arrive très souvent particulièrement chez les poneys plus résistants à la douleur).

En complément d’informations :

Toutes les fourbures associées au pâturage/ingestion d’herbe sont des fourbures endocriniennes. 90% environ de tous les cas de fourbure sont des fourbures endocriniennes (les 10% des cas restants concernent la fourbure associée à un sepsis et la fourbure du membre d’appui controlatéral, les 2 autres formes de fourbure reconnues aujourd’hui) [1], [2]. Voir Article à venir sur les 3 formes de fourbure.

La fourbure endocrinienne est causée par une hyperinsulinémie = taux d’insuline sanguins anormalement élevés chez le cheval avec un dérèglement de l’insuline (ID) – dû à un SME ou à un DPIP+ID ou à l’administration de corticoïdes. La fourbure endocrinienne est déclenchée par une alimentation riche en sucres simples (ESC) et amidon, telle que l’herbe ad libitum en particulier durant les périodes où l’herbe est abondante et /ou riche en ESC + amidon, un fourrage en libre-service riche en ESC + amidon, les concentrés, les céréales… . Les sucres (ESC)/amidon ingérés et digérés en glucose par les enzymes de l’intestin grêle augmentent la glycémie après passage du glucose dans le sang au travers de la muqueuse intestinale et provoquent une réponse insulinique qui est exacerbée/anormalement élevée chez le cheval avec un dérèglement de l’insuline (ID) – le rôle de l’insuline secrétée par le pancréas est de permettre l’entrée du glucose sanguin dans les cellules cibles de l’organisme (muscles, foie, tissu adipeux) qui en ont besoin et permettre ainsi un retour à une glycémie normale – ; chez le cheval avec un ID, les cellules cibles sont devenues plus ou moins réfractaires/résistantes à l’entrée du glucose et donc le pancréas doit produire davantage d’insuline ce qui conduit à des taux d’insuline dans le sang supérieurs à la normale.

Ce sont donc essentiellement des sucres simples ESC et de l’amidon dans l’herbe, le foin ou tout autre aliment dont doit se soucier le propriétaire d’un cheval à risque de faire une fourbure endocrinienne et non des WSC, des NSC et des fructanes (voir infographies).

En effet, les fructanes ne sont pas digérés par les enzymes intestinales mais fermentés comme les fibres par les bactéries du gros intestin et du caecum ; il en résulte des acides gras volatils ; les acides gras volatils n’engendrent pas une élévation de la glycémie/glucose dans le sang et donc ne déclenchent pas de réponse insulinique. Il n’existe aucune preuve scientifique sérieuse à ce jour d’un quelconque rôle des fructanes dans le déclenchement de la fourbure associée au pâturage-herbe/fourbure endocrinienne.

La théorie des fructanes qui veut que les fructanes dans l’herbe causent une fourbure par acidose digestive relève du mythe, et vient du passé, des connaissances traditionnelles avant que la fourbure endocrinienne ait été découverte en 2007 [3], [4]. Cette fausse croyance qui associe la fourbure au pâturage/liée à l’ingestion d’herbe à une acidose digestive et à l’accumulation de toxines dans les pieds peine à se dissiper car elle est diffusée avec force (sites, pages Facebook) par les sociétés spécialisées en phytothérapie/compléments alimentaires et minéraux/vitaminés qui y trouvent avantage pour vendre leurs compléments formulés pour réduire l’acidité intestinale, éliminer les toxines et censés avoir le pouvoir de prévenir et même de guérir la fourbure !

La prévention de la fourbure associée au pâturage/herbe est une des préoccupations majeures des propriétaires d’équidés et ignorer la vraie cause de la fourbure associée au pâturage/herbe est dangereux car les propriétaires compteront sur les suppléments pour protéger leurs chevaux/poneys à risque de faire une fourbure à l’herbe. Il est très peu probable que donner des nutraceutiques visant à détoxifier le foie/l’organisme ou à tamponner le pH intestinal aide le cheval !

En revanche, éviter à tout équidé la douloureuse expérience de la fourbure associée à herbe /fourbure endocrinienne, demande de :

  • prévenir la prise de poids par une évaluation régulière de l’état corporel général et des dépôts adipeux notamment chignon à l’encolure [5]. Si le cheval montre un surpoids général et/ou local : 1/restreindre ou supprimer l’accès à l’herbe en particulier lorsque l’herbe est riche en sucres simples (ESC) + amidon et nourrir avec un foin pauvre en sucres simples (ESC)+ amidon (taux combinés<10%) en quantité par jour correspondant à 1,5 % du poids idéal du cheval, y associer un complément minéral et vitaminé adapté, du sel, un apport en omega 3 (graines de lin extrudées) et un apport correct en acides aminés essentiels (lysine et méthionine); 2/ augmenter l’exercice physique (travail, sortie en paddock avec d’autres chevaux, rations de foin dispersées à différents endroits du paddock,…);
  • surveiller les signes du SME et du DPIP+ID (si besoin, réaliser des tests sanguins – insuline, glucose, ACTH – tout en gardant à l’esprit que le diagnostic est établi en priorité sur l’observation/la présence des symptômes cliniques, les tests sanguins n’étant pas parfaits);
  • maintenir les sabots parfaitement parés/réalignés et soutenir et protéger les pieds (boots+pads) si besoin (antécédent de fourbure endocrinienne);
  • surveiller toute démarche ou posture anormale, toute sensibilité anormale au niveau des pieds (visible souvent sur sols durs ou caillouteux), tout signe de croissance anormale/ déformation du sabot (stries, étirement de la ligne blanche…) et à la moindre suspicion réaliser des radios LM.

Prévenir la fourbure est mieux que de devoir la guérir mais aujourd’hui tout cheval devrait pouvoir se rétablir d’une fourbure endocrinienne si :

1/la cause du dérèglement de l’insuline (ID) est identifiée (SME, DPIP+ID et/ou administration de corticoïdes), et éliminée/traitée.

2/les pieds sont réalignés sans attendre guidés par des radios LM et soutenus/protégés par des boots+pads. Voir, La fourbure et le pied.

Contrôler/supprimer le dérèglement de l’insuline (ID) impose de:

  • Arrêter (si possible) tout traitement utilisant des corticoïdes le cas échéant.
  • Si la cause de l’ID est un SME seul, traiter le SME implique : 1/modifier l’alimentation pour, d’une part, contrôler l’insuline en réduisant l’apport en sucres simples (ESC) + amidon (taux combinés recommandés <10 % dans tout aliment) et pour, d’autre part, réduire l’apport calorique/énergétique si le cheval a besoin de perdre du poids. En pratique : interdire l’accès à l’herbe et nourrir avec un foin pauvre en sucres simples (ESC) + amidon (taux combinés<10%) – faire tremper le foin 1h dans l’eau froide pour éliminer une partie des sucres si besoin – en quantité par jour correspondant à 1,5% du poids idéal du cheval si le cheval a besoin de perdre du poids ou 2% s’il n’est pas en surpoids; apporter un complément minéral et vitaminé adapté, du sel, un apport en omega 3 (graines de lin extrudées) et un apport correct en acides aminés essentiels (lysine et méthionine); 2/ une perte de poids si besoin ; 3/un retour progressif à l’exercice (marche en mains…) dès que possible, une fois les pieds parfaitement réalignés et stables et soutenus par des boots +pads et si le cheval marche en posant les talons en premier.
  • Si le dérèglement de l’insuline est dû à un DPIP+ID, le cheval en plus d’être géré comme un cheval avec un SME seul, devra être traité au pergolide (prascend) pour contrôler le DPIP.

Références scientifiques:

[1]-Karikoski NP, Horn I, McGowan TW, McGowan CM
The prevalence of endocrinopathic laminitis among horses presented for laminitis at a first-opinion/referral equine hospital.
Domest Anim Endocrinol. 2011 Oct;41(3):111-7. doi: 10.1016/j.domaniend.2011.05.004. Epub 2011 Jun 7

[2]-Patterson-Kane JC, Karikoski NP, McGowan CM
Paradigm shifts in understanding equine laminitis. The Veterinary Journal Volume 231, January 2018, Pages 33-40

[3]-Treiber KH, Kronfeld DS, Geor RJ
Insulin Resistance in Equids: a Possible Role in Laminitis
The Journal of Nutrition Supp. 2094S-2098S 2006 (Full)

[4]-Asplin KE, Sillence MN, Pollitt CC, McGowan CM
Induction of laminitis by prolonged hyperinsulinaemia in clinically normal ponies 
The Veterinary Journal Vol 174, Issue 3, November 2007, Pages 530-535

[5]-https://equipedia.ifce.fr/elevage-et-entretien/alimentation/nutrition-et-ration/etat-corporel.html

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